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QUAND COCA COLA NUIT A LA SANTE
Attablé à un stand de restauration sur un marché du centre de Mexico, Rubén Romero déguste son neuvième taco, une crêpe de farine de maïs garnie. Il en est à son deuxième Coca-Cola, une bouteille de 600 ml. “Pourquoi boire de l’eau quand on a les moyens de s’offrir des boissons qui donnent plus d’énergie ?”, justifie ce comptable de 40 ans qui peine à déplacer ses 102 kg. Comme lui, sept Mexicains sur dix sont gros, voire obèses. Les techniques marketing choc de la compagnie Coca-Cola sont montrées du doigt, dans un pays devenu le premier consommateur de sodas de la planète avec 163 litres annuels par personne.
Publié en juillet, un rapport de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) révèle que le taux d’obésité des Mexicains (32,8 %) dépasse désormais celui des Américains (31,8 %), même si, selon l’organisme onusien, la proportion d’obèses au Koweït (42,8 %) ou en Arabie saoudite (35,2 %) reste supérieure. “Mais si l’on ajoute les personnes en surpoids, le Mexique est sans doute numéro un mondial”, s’alarme Abelardo Avila, chercheur à l’Institut mexicain de santé et de nutrition.
Le phénomène touche aussi les enfants, dont un tiers sont victimes de surcharge pondérale, et l’obésité infantile a triplé en dix ans. Pour M. Avila, “cette épidémie est due à l’offensive mercantile menée par les industries alimentaires, Coca-Cola en tête”. Car la compagnie vend ses sodas jusque dans les écoles. Au point qu’en mars Olivier de Schutter, rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à l’alimentation, a dénoncé une “Coca-colisation” du pays. Selon lui, l’Accord de libre-échange nord-américain (Alena), en vigueur depuis 1994 entre le Mexique, les Etats-Unis et le Canada, a dopé l’importation de produits trop riches en cholestérol, en graisses saturées ou en sucre.
Première cause de mortalité
Boire du Coca-Cola confère un prestige social aux classes populaires qui aspirent à entrer dans la société de consommation, selon le modèle américain”, déplore Alejandro Calvillo, directeur de l’ONG El poder del consumidor (Le pouvoir du consommateur). Omniprésentes en ville comme à la campagne, les publicités de la compagnie s’adaptent à la composition ethnique du Mexique. “Dans l’Etat du Chiapas (dans le sud du pays), qui compte la plus forte proportion d’Indiens, des affiches de Coca-Cola sont en langue maya”, souligne Jaime Tomas Page, anthropologue à l’Université autonome du Mexique (Unam).
A l’entrée des villages, les panneaux indicateurs sont rouge et blanc. Certains ont même la forme de la célèbre bouteille. “Le tout avec le soutien des caciques locaux, auxquels Coca-Cola et Pepsi-Cola ont accordé des concessions de distribution, tout en finançant la construction d’écoles ou de terrains de sport”, déplore M. Page. Sans compter que leurs sodas y sont vendus 40 % moins cher qu’en milieu urbain, où leurs prix concurrencent déjà ceux des eaux en bouteille. “Une stratégie favorisée par les avantages fiscaux que leur offre l’Etat”, accuse M. Calvillo, qui rappelle que Vicente Fox, qui fut président du Mexique, entre 2000 et 2006, a été directeur de Coca-Cola pour l’Amérique latine… Sept millions et demi de Mexicains souffrent aujourd’hui de diabète, devenu la première cause de mortalité du pays. En réalité, ils seraient bien plus nombreux, car “beaucoup ne sont pas encore diagnostiqués”, assure M. Avila, qui évoque également “une explosion des problèmes d’hypertension et des maladies cardio-vasculaires”.
Face à cette aggravation du phénomène, les pouvoirs publics tentent de s’organiser. Le 9 août, à Mexico, Maureen Birmingham, représentante de l’Organisation panaméricaine de la santé (OPS), a lancé un appel à soutenir un projet de loi prévoyant une taxe spéciale sur les boissons sucrées. Le texte se heurterait depuis six mois à un “lobbying politique qui le bloque”, dénonce Alejandro Calvillo. En 2010, l’Etat a pourtant signé avec les industriels un accord national pour la santé alimentaire prévoyant notamment le retrait des aliments trop gras ou sucrés dans les écoles. “Un accord de principe sans sanction”, regrette M. Calvillo. Pire : depuis cet été, Coca-Cola et Pepsi font partie intégrante de la commission nationale contre l’obésité ! En attendant, le boom des maladies liées au surpoids menace de faillite le système de santé. Selon Abelardo Avila, “si ça continue, l’espérance de vie des Mexicains pourrait être réduite de dix ans d’ici à 2030”.
Et en France? L’autre jour, je me promenais dans les rues de Montpellier où (comme dans toutes les villes universitaires) se trouvent beaucoup de jeunes. Comme dans toutes les villes de France les bars font flores et les terrasses aussi et en terrasse il y a des tables et sur toutes ces tables, je voyais des bouteilles de Coca Cola, que des bouteilles de Coca cola, un Scheppes, un Pepsi Cola et des bouteilles de Coca Cola.
“Pourquoi boire de l’eau quand on a les moyens de boire des boissons qui donnent plus d’énergie” dit ce comptable mexicain de 42 ans de 102 kg et peut-être qu’il en est fier de ses 102 kg ce comptable qui ne compte plus les bouteilles de Coca Cola qu’il boit et dont il est dépendant.
Nos cellules baignent dans l’eau, pas dans le Coca Cola qui les détruit. La liberté, c’est de boire de l’eau, pas du Coca Cola.
Dr JO