La santé ou les superprofits ?
Histoire secrète. Des molécules actives contre l’odème cérébral,
la cirrhose du foie, le sevrage des toxicomanes, l’acné, la
calvitie sont abandonnées, estimées pas assez rentables
par le groupe pharmaceutique HMR.
Le prix de la nouvelle concentration pharmaceutique, la fusion
HMR-Rhône Poulenc, frôle l’insoutenable. Jamais le divorce
n’a été aussi flagrant entre la soif de profits et les besoins
sociaux.
Pas assez rentables… 169 molécules en cours de développement
et codées RU (Roussel UCLAF) vont être abandonnées ou
bradées par le groupe HMR (Hoechst-Marion- Roussel) dans
la perspective de sa fusion avec Rhône-Poulenc – Rorer,
pour accoucher d’Aventis, un mastodonte de la pharmacie.
Arrêts de recherches, suppressions d’emploi, fermetures de
sites. C’est le prix de la course absurde au gigantisme,
au mépris des missions de santé publique. Au mépris
des malades et de leurs familles.
Abandonnée, la molécule RU 51599. Elle annonce
la création de médicaments inédits pour lutter
contre les odèmes cérébraux. Actuellement, on ne
sait guère contrer l’odème qui se forme sous le crâne,
à la suite d’une lésion, d’une tumeur ou d’une opération.
L’issue s’avère souvent fatale. Le RU 51599 permet l’évacuation
du liquide comprimant l’encéphale. Cette molécule semble
également prometteuse pour résorber l’ascite qui gonfle le
ventre des malades atteints de cirrhose du foie. Les
études ont été stoppées en phase 2, l’avant dernière
avant la commercialisation. Motif : les médicaments issus de
cette molécule innovante ne seraient pas assez rentables,
leur usage restant limité aux centres hospitaliers.
Abandonnée l’ingénieuse molécule RU 58841, un
anti-androgène en pommade, qui ouvre la voie à de nouveaux
traitements de la calvitie et de l’acné. HMR préfère renoncer aux
années de recherches effectuées, plutôt que de finaliser le produit.
Il met en avant d’éventuels effets secondaires. En réalité le
groupe a décidé de liquider toutes ses activités en endocrinologie.
Décision catastrophique. Le site de Romainville
(ex-Roussel UCLAF) spécialisé dans ces recherches est reconnu
dans le monde entier. Tout un savoir-faire, une capacité d’expertise
en ce domaine, sont menacés de disparaître. Cette frénésie de
fusions a déjà fait rétrograder la France du deuxième rang à la
dixième place mondiale, pour la mise au point de molécules.
Abandonné également, un projet précurseur pour faciliter le sevrage
des toxicomanes en s’attaquant aux phénomènes de
dépendance. L’exploitation d’un hasard, au détour d’une autre recherche.
À base hormonale, les traitements issus de cette découverte
ne substitueraient pas une dépendance à une autre. Espoir inédit.
Ce projet inaugure une nouvelle stratégie pour lutter
contre les dépendances. Stoppé. HMR ne veut pas associer
son sigle au traitement des toxicomanies. Pudibonderie
anglo-saxonne oblige…
La même hypocrisie avait conduit Roussel UCLAF à brader,
en 1996, la première molécule anti-hormone, le RU 486 (mifépristone),
dite pilule abortive, sous la pression du Vatican et des groupes
intégristes aux USA. À l’époque le président de Roussel UCLAF,
le Dr Édouard Sakiz, n’avait pas accepté le diktat américain.
Depuis, Il a claqué la porte et créé un petit laboratoire privé,
Exelgyn, pour fabriquer cette pilule ” propriété morale des
femmes “. Un pied de nez au gigantisme.
HMR persévère dans la logique inverse. Déjà, l’Humanité avait
révélé, le 12 juin 1996, l’abandon de la RU 58668, un anti-estrogène
très prometteur dans le traitement des cancers du sein,
issus de dérèglements hormonaux. Deux cent cinquante mille
femmes affrontent, chaque année dans le monde, cette
maladie hautement mortelle. Mais pour la direction, le RU 58668
n’était pas susceptible de générer suffisamment de profits.
Jean-Pierre Godard, le président de Roussel UCLAF nous avait
avoué à l’époque que la ” question fondamentale ” pour lui,
c’était : ” Où en est le besoin médical non satisfait, qui a
un potentiel suffisamment attractif pour que je mette mon
argent dessus ? ” Pas attractif, le RU 58668 ? Il dispose pourtant
de hautes potentialités pour faire régresser les tumeurs, mais
aussi pour réduire les métastases.
Jamais le divorce n’avait été aussi flagrant entre les besoins de
santé et la course aux profits. Désormais, la seule obsession des
dirigeants d’HMR, c’est de satisfaire l’appétit des fonds de
pension américains. Objectif avoué, un taux de profit de 20 %
à 30 % annuel ! C’est d’autant plus scandaleux qu’en France,
HMR réalise 80 % de son chiffre d’affaires avec la Sécurité sociale.
Hier, les laboratoires étaient dirigés par des scientifiques
et/ou des capitaines d’industrie. Voici venue l’ère des financiers,
tenanciers de molécules. Pourtant, sur 40 000 maladies
identifiées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS),
seules 15 000 bénéficient de traitements.
Écouré, un chercheur de HMR nous confie : ” Arrêter une molécule
n’a rien de scandaleux, si c’est sur des critères scientifiques,
en cas de toxicité, par exemple. Mais actuellement, les recherches
sont stoppées sur des critères économiques. HMR estime qu’un produit
doit être abandonné s’il ne rapporte pas au minimum 2,4 milliards
de francs. ” Tous les hypergroupes pharmaceutiques adoptant
la même logique, ils se ruent sur les productions les plus
rentables, destinés aux pays riches. Un autre scientifique de
HMR déplore cette concurrence désastreuse : ” On vend des
médicaments comme des aspirateurs. Les coûts de marketing
deviennent dix fois plus élevés que ceux de la recherche. Il y a
dix ans, si un produit n’était pas au ” top “, il passait à la poubelle.
On lance désormais un produit même s’il n’est pas tout à fait
au point, même s’il y a déjà dix médicaments identiques sur le marché.
Cela se résume à une guerre à coups de pub. Il y a une perte de
l’éthique. Je ne comprends pas l’intérêt de ce gigantisme.
Il existe des petits laboratoires qui vivent bien. ” Avec d’autres
chercheurs et salariés d’HMR, il réfléchit à une solution
alternative à la vente programmée du site de Romainville .
Cette logique du tout profit mène à une catastrophe planétaire.
Les pays pauvres sont livrés à eux mêmes. Le prix Nobel de la
paix 1999, Médecins sans frontières dénonce cette dérive :
sur plus de 1 200 médicaments nouveaux, commercialisés
depuis 1975, onze seulement servent à soigner une maladie tropicale.
Ainsi la maladie du sommeil, transmise par la mouche tsé-tsé.
L’OMS estime à 55 millions les personnes exposées dans la seule
Afrique de l’ouest ; 300 000 cas par an. Sans traitement, la
mort est inéluctable. Il en existait un, très risqué. Le médicament
contient de l’arsenic, un poison qui achève jusqu’à 5 % des
personnes traitées. Les chercheurs ont mis au point un médicament
non toxique, l’Eflornithine. HMR qui a récupéré le produit, l’a
finalement estimé trop coûteux et l’a retiré du marché ! L’allemand
Hoechst (le H de HMR) et Rhône-Poulenc ont annoncé qu’ils renonçaient
à la recherche d’un vaccin contre le sida. Parce qu’il est plus
rentable de soigner lorsque la maladie est déclarée ? Il y a des
crimes qui mériteraient d’être inscrits dans le Code pénal.
Mina Kaci
et Serge Garde
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Les actions des industries pharmaceutiques sont connues depuis longtemps comme étant purement d’intérêts financiers. Mais cela ne marche que parce qu’elles ont le soutien de politiciens véreux à leur solde. http://www.dailymotion.com/swf/xaxcrh
Les actions des industries pharmaceutiques sont connues depuis longtemps comme étant purement d’intérêts financiers. Mais cela ne marche que parce qu’elles ont le soutien de politiciens véreux à leur solde. http://www.dailymotion.com/swf/xaxcrh
c’est fou
Ou en sont les recherches sur le RU 58668 ? est-ce toujours arrété ? Je n’arrive toujours pas à me convaincre que tout cela est vrai. Arréter des recherches plus que prométeuses par simple appât du gain… Qui à décidé de tout arréter ? Quelle sera sa réaction le jour ou ça arrivera à sa femme ? Osera-t-il lui dire : “désolé chérie, on avait trouvé quelque chose la, mais on allait gagner que 100.000.000 € avec ce truc, ça n’en vallait pas la peine…