Comment imaginer une telle inepsie! Et oui, cela existe grâce à Danone qui veut également (en jouant sur les deux tableaux) noyauter le marché du “bio” en créant la marque “Les deux vaches”. Cela signifie une seule chose: Ces gens là ne sont pas crédibles. Ce sont eux qui affament la planète en ayant le culot de prétendre la protéger. Il ne faut pas leur donner votre argent.

Miroir grossissant [un article de Suzanne Ollagnon]

 

Grâce à la présentation d’une méga-ferme parachutée dans le désert d’Arabie Saoudite (tirée d’une revue éditée par Danone) apparaît une image grossie de l’agriculture productiviste mondialisée. Y répond un plaidoyer pour une agriculture non dévoyée, une agriculture éco-écologique. Article de résistance qui s’inscrit dans la relation réaffirmée entre polycultures écologiques et diversités culturelles.

Suzanne Ollagnon est fromagère dans une ferme en bio-dynamie au Sud-Ouest de Lyon.

Les lignes qui suivent sont rédigées à partir d’un article intitulé Visite guidée de la plus grande ferme du monde, paru dans la revue Le producteur de lait (nov./déc. 2003), éditée par Danone en France et destinée aux agriculteurs qui vendent leur lait à Danone. Les citations sont en italique.

En Arabie Saoudite, à 100 kilomètres de Ryad, au milieu du désert qui reçoit quelques dizaines de millimètres d’eau par an et où la température peut dépasser 50°C en été, ON a imaginé et réalisé grâce à la volonté du Prince Abdoullah Al Faisal Al Saud et son groupe Al Faisaliah une méga-ferme.

Là vivent 32 000 vaches ou génisses (dont 16000 vaches en lactation) de race Holstein en stabulation libre avec des structures couvertes équipées de rideaux et de ventilation humides. Les vaches sont traites trois fois par jour dans 6 salles de traites (qui comptent entre 80 et 120 postes de traite) et donnent 165 millions de litres de lait par an (452000l/j). Le lait est refroidi et envoyé quelques centaines de mètres plus loin à l’usine de produits laitiers frais Al Safi, qui appartient à la filiale du groupe Danone : Danone AlSafi.

Ainsi, au milieu du désert, côte à côte, une usine à fabriquer le lait et une usine à transformer le lait.

50% de l’alimentation (foin, luzerne) sont produits sur l’exploitation grâce à l’irrigation qui va parfois pomper l’eau à plus de 1800 mètres ! Le reste est acheté sur le marché mondial en fonction des besoins protéiques et énergétiques fixés par les nutritionnistes et des opportunités du marché : maïs, orge, soja, graines de coton, pulpe de betteraves….

Dans cette ferme travaillent 1 400 personnes , des manœuvres locaux, et des généticiens, des nutritionnistes, des vétérinaires (une dizaine de vétérinaires est là pour traiter les vaccinations et autres maladies éventuelles) anglais, australiens, hollandais.

Puis DANONE médite :

Dans un pays où l’eau est deux fois plus chère que l’essence, le bilan de l’exploitation en terme d’utilisation d’eau laisse songeur : entre l’irrigation des cultures, l’aspersion régulière des stabulations pour maintenir un climat acceptable et les quantités bues par les vaches, plus de 500 litres d’eau sont nécessaires pour produire un litre de lait !… La ponction d’importantes quantités d’eau dans la nappe aquifère pose aussi des problèmes de salinité qui ont même poussé la ferme à délaisser les hectares irrigués les plus proches pour aller cultiver le fourrage quelque 200 kilomètres plus loin, là où la nappe était plus abondante et plus accessible. De quoi se poser des questions à l’heure où l’on parle beaucoup de développement durable.

 Et DANONE conclue pour … rassurer le producteur de lait français :

Est-ce un modèle extrapolable ? Les quelques éléments relatés montrent clairement dans le cas de la ferme Al Safi les limites économiques d’un tel système. Un autre point concerne bien évidemment les conséquences en terme d’aménagement du territoire et de “ruralité” : la plus grande ferme du monde est née au milieu du désert et ce n’est pas par hasard. Pour autant serait-on prêt à désertifier nos campagnes pour développer ce système ? La réponse semble évidente. Mais même si le modèle de la petite exploitation semble aux antipodes de ce type de production industrialisée, il est bon de savoir que d’autres modèles existent dans le monde et que la volonté et l’ambition ont aussi permis de développer des systèmes originaux.

 Vous connaissez maintenant la ferme Al Safi et le discours raisonné tenu par Danone pour ses fournisseurs de lait.

A mon tour de vous faire partager quelques réflexions !

Voilà donc une ferme gigantesque “hors sol”. On sait depuis longtemps que l’on peut fabriquer du camembert ailleurs qu’en Normandie ! Mais parachuter une ferme en plein désert et créer la ferme la plus grande du monde ! Quel est ce rêve qui veut mettre bout à bout oléoduc et lactoduc, faire cohabiter or noir et voie lactée ? Miracle des produits financiers du pétrole qui donnent le pouvoir total, celui qui se moque du temps et de l’espace. Qui peut faire surgir, faisant abstraction du milieu géographique, climatique et historique, une ferme, prédatrice de la terre et de ses réserves d’eau au nom d’un modèle productiviste, une méga-ferme hors contexte local mais bien intégrée dans le marché mondial des matières premières et inspirée de l’idéologie techniciste commune du vivant.

Une usine à lait, avec des vaches comme capital circulant.

L’agriculture non dévoyée est pourtant dans son esprit et ses pratiques l’activité humaine la plus éco-écologique qui soit. L’agriculteur sait utiliser les dons et faiblesses d’un lieu, les exploiter avec connaissance et mesure pour produire des biens qui nourrissent les hommes. Il cherche même à produire avec “économie”, en consommant le moins d’intrants et d’énergie possibles. Il ne prélève sur la nature que ce qui est nécessaire grâce à des façons culturales pertinentes et plus économiques que les ajouts de désherbants ou d’engrais grands consommateurs d’énergie. Il existe une agriculture qui est économe de tout et qui ne jette et donc ne rejette rien. Les dits “sous-produits” sont intégrés à la production : paille pour la litière, fumier pour le compost, sarments de vigne pour allumer la chaudière, petit lait pour nourrir les cochons, déchets du tri des céréales pour les poules…La prédation et la pollution de la terre sont des manquements à l’esprit de l’économie, je veux parler de l’économie rendue à son domaine spécifique.

Quand l’agriculture devient productiviste, c’est exclusivement au profit d’un ou plusieurs autres secteurs économiques et sur le dos de la terre. Ainsi survit la ferme Al Safi.

L’agriculture économique est écologique.