Le 9 février 2011 par Fabienne Broucaret · 5 commentaires
Découvrez ci-dessous la lettre ouverte de Brigitte Bardot au ministre de l’Agriculture Bruno Le Maire pour dénoncer les conditions d’élevage de la filière viande, à quelques jours de l’ouverture du salon de l’agriculture.
Où trouvez-vous les dizaines de millions engloutis dans des campagnes de propagande pour l’élevage intensif, industriel, qui entraîne l’exploitation de millions d’animaux dans des conditions ignobles, empoisonne les nappes phréatiques et les consommateurs ?
Si ma Fondation dénonce les publicités mensongères du CIV, financées par votre ministère, elle condamne tout autant celles de la filière cunicole, également financées par votre ministère, appelant à manger du lapin, viande présentée comme étant « saine » alors qu’elle provient, à 99%, de lapins élevés en batteries de cages et qu’elle concentre plus de 10% de la totalité des antibiotiques utilisés dans les élevages français… Soit plus de 127 tonnes d’après l’Agence Nationale du Médicament Vétérinaire !
1% seulement de tous les élevages pour la consommation est inspecté annuellement par vos services qui n’ont aucun moyen. Face à cette carence, vous annoncez, dans le même temps, une aide de 20 millions d’euros pour les interprofessions de l’œuf et du foie gras qui ne sont pas aux normes, tant sur les cages de gavage que sur les cages des poules pondeuses.
Ces éleveurs privés avaient plus de dix ans pour se mettre aux normes, votre ministère devrait faire respecter la loi et les sanctionner ou les faire fermer mais vous préférez céder, une fois de plus, au lobby de l’industrie au détriment des contrôles sanitaires.
Il est indécent de consacrer ces dizaines de millions d’euros pour faire passer les poules des cages… aux cages ! Les nouvelles installations n’apportent rien pour les volatiles toujours prisonniers de systèmes intensifs, monstrueux, incompatibles « avec les impératifs biologiques » de l’espèce comme l’impose pourtant l’article L214 du code rural.
Si le consommateur peut désormais acheter en connaissance de cause et bannir les œufs de poules élevées en cage (code 3), il ne le doit pas à vos prédécesseurs qui s’y étaient opposés comme vous vous opposez à votre tour, aujourd’hui, à l’étiquetage des viandes issues de l’abattage rituel, cherchant ainsi à tromper les consommateurs qui ignorent acheter une viande provenant d’animaux égorgés à vif, sans étourdissement préalable et dans de grandes souffrances.
Vous le savez, ma Fondation recueille plusieurs centaines de bovins, ovins, équidés et autres animaux saisis d’élevages mouroirs. Ces sauvetages représentent une dépense très lourde, nous ne disposons pour cela d’aucune aide mais sommes constamment sollicités par vos services vétérinaires bien incapables, faute de moyens, de gérer les situations extrêmes comme ce nouveau cas révélé dans le département du Cher.
Il s’agit de tout un cheptel de bovins, victime d’empoisonnement au lindane (insecticide) qui a déjà entraîné la mort de 2000 bêtes dans des souffrances extrêmes. Ma Fondation est sollicitée pour financer l’euthanasie des bêtes qui n’ont pas encore succombé… C’est un comble ! Sachant, en outre, que 50 taurillons contaminés ont été envoyés à l’abattoir, sous la pression de vos services, et la viande commercialisée à la hâte, avant même de connaître le résultat des analyses qui se sont avérées positives au lindane !
Monsieur le Ministre, il est urgent de soutenir nos organisations qui tentent de pallier aux manquements, voire aux fautes graves de l’administration, il est urgent également de ne plus glorifier un élevage qui est une honte, une industrie qui exploite des animaux rabaissés au rang d’objet.
Ces dizaines de millions d’euros consacrés à la propagande de la viande seraient bien plus utiles sur le terrain à vérifier les conditions d’élevage, de transport et d’abattage des animaux, dans un double souci de protection animale et de salubrité publique, car il n’y a vraiment pas de quoi être fier de l’agriculture française qui ne jure plus aujourd’hui que par l’intensif !
Dans quelques jours, s’ouvrira le salon de « l’Agriculture », salon de l’hypocrisie et du mensonge où il nous est interdit de nous rendre ou de disposer d’un stand puisque le parti pris de ce salon est de tromper, lui aussi, les consommateurs français !
Bien sûr, et même si nous n’y sommes pas conviés, nous serons présents aux portes du salon pour sensibiliser les visiteurs sur les conditions d’abattage des animaux dans notre pays, notamment la généralisation de l’abattage sans étourdissement qui scandalise les consommateurs mais aussi les éleveurs, toujours plus nombreux à contacter ma Fondation pour témoigner leur désarroi face à la barbarie des égorgements pratiqués sur les bêtes qu’ils ont élevées.
Monsieur le Ministre, je ne vous écris pas pour vous demander une subvention pour les centaines d’animaux que nous sortons des élevages et que nous sauvons de l’abattoir, mais pour vous dire toute mon indignation devant les dizaines de millions d’euros dépensées par votre ministère pour diffuser des informations mensongères, qui veulent faire croire aux consommateurs que la production française est irréprochable.
C’est un devoir et un engagement que faire preuve de transparence, c’est un devoir moral que de condamner la production intensive qui ne respecte ni les hommes, ni les bêtes.
Cette lettre témoigne d’un ras-le-bol général, nous n’avons plus confiance en ce gouvernement et dans les promesses qui ne sont jamais tenues. J’espère que vous me ferez mentir et que vous prendrez, enfin, les mesures qui s’imposent pour ne plus accepter l’inacceptable.